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LES PRIX DES PRODUITS PETROLIERS RAFFINES, LE FMI ET LA SONARA : DES ANALYSES BIAISEES par Albert Léonard Dikoume

AVANT PROPOS

1.- Une mission d’inspection conjointe du Fonds Monétaire International (FMI) et de la Banque Mondiale (BM) a séjourné au Cameroun en début novembre 2016, dans le cadre d’une revue de la situation économique du pays, des développements récents et des perspectives à court terme. Son rapport n’est pas encore visible sur le site du FMI. Cependant il ressort de sa rencontre avec la Société Nationale de Raffinage (SONARA) le 03 novembre 2016, que le protocole d’établissement des prix des produits pétroliers sortis raffinerie doit encore être revu. Cette révision porterait, suivant une communication interne, sur :
-         la suppression de « l’Ajustement Economique (AE) » ;
-         la suppression du Deadfreight ;
-         le remplacement de l’AE et du Deadfreight par une marge industrielle en valeur absolue pour éviter les effets de la volatilité des cours, permettant à la SONARA d’être rentable et de poursuivre sereinement ses activités.
Pour ce faire, il a été demandé à la SONARA suivant la même communication interne, d’élaborer des simulations sur le niveau de marge à intégrer dans la structure des prix dès janvier 2017 pour restaurer la rentabilité tout en gérant les effets négatifs du passé, avec possibilité de révision à la baisse.
2.- Cette hypothèse découle sans doute du document de la série « Questions générales » inclus dans le rapport du FMI sur les consultations de 2015 au titre de l’article IV, et édité en mars 2016. Ce document (I) contient plusieurs affirmations non fondées et appelle de notre part, autant que la nouvelle hypothèse envisagée (II), un certain nombre de commentaires et d’observations qui nécessiteront que de nombreux termes utilisés soient au préalable reprécisés.
I - SUR LE DOCUMENT DE LA SERIE « QUESTIONS GENERALES » 2015 DU FMI
3.- Nous n’apprécierons ici que la deuxième partie du document, intitulée « Subventions aux    prix des carburants - évolution récente et possibilités de réforme ». Afin que notre analyse soit mieux suivie et bien assimilée, elle suivra la même articulation que le document auquel elle se réfère. Pour ne pas étendre indéfiniment notre analyse, nous ne reprendrons pas systématiquement les propos du document de référence, avant d’émettre nos commentaires et observations. Nous nous limiterons de temps à autre à un simple résumé préalable de ceux-ci. Les points qui n’appellent de notre part aucun commentaire ni observation ne seront pas abordés. Nos analyses suivront donc la structure suivante :
A - Contexte ;
B - La structure actuelle des prix administrés ;
C - Aspects budgétaires des subventions aux carburants (pour mémoire) ;
D - Impact du régime des prix administrés sur la SONARA ;
E - L'avenir des subventions aux carburants (pour mémoire) ;
F - Conclusions et les possibilités de réforme.
A - CONTEXTE
4.- La politique du Cameroun consistant à fixer les prix de détail de certains carburants sur son marché intérieur est en place sous sa forme actuelle depuis 2008. Ce système a été conçu à l’origine comme mécanisme adaptatif, mais à la suite de la flambée des prix et des tensions sociales dont elle s’est accompagnée au début de 2008, les prix ont été gelés… Il convient de rappeler ici que jusqu’en 1999, le protocole d’établissement des prix des carburants sortis SONARA se présentait comme suit :
P = (Prix CIF NWE référence + Freight + Insurance/Loss + Others costs) x K x (Parité $/FCFA).
Dans cette formule, Prix CIF NWE référence représente les cotations CARGOES CIF NWE BASIS ARA paraissant quotidiennement dans le PLATT’S EUROPEAN MARKETSCAN des produits PREM.15 (supercarburant), JET (lampant), GASOIL .2 (gazole) ; Others costs représentent les frais financiers, les Surestaries/Inspection, les frais de passage Limbé ; K représente le coefficient de parité internationale ; Parité $/FCFA correspond à la parité paraissant quotidiennement dans le PLATT’S EUROPEAN MARKETSCAN. Les prix ainsi déterminés se rapprochaient plus des prix de revient réels. 
5.- Mais sous l’instigation du FMI, le protocole a été modifié à partir de juillet 1999 pour donner : P = (Prix Parité Import + Ajustement Economique)
Dans cette nouvelle formule, « Prix Parité Import » (PPI) représente le (Prix CIF NWE référence + Freight + Insurance/Loss + Others costs) x (Parité $/FCFA) tel que ci-dessus. En réalité c’est le coefficient K qui y a été extrait. L’« Ajustement Economique » (AE) au sens strict était la somme de trois (03) composantes : le Schéma de Raffinage (SR) sans conversion, l’Ouverture de marché (OM) aux importations par exercice budgétaire décidée par le gouvernement et le Facteur Spread (FS), composante variable prenant en compte les variations de marges de raffinage au niveau international, calculé mensuellement. Calculé de cette manière, l’AE intégrait une charge réelle significative de la Caisse de stabilisation des Prix des Hydrocarbures (CSPH), la « Contribution Gaz » (CG). C’est ainsi qu’à partir de 2004, la formule a évolué en distinguant trois éléments comme suit : P = Prix Parité Import + Contribution Gaz Butane + Ajustement Economique. La détermination de ce prix restait mensuelle, avec un résultat annuel prédéterminé.
6.- L’AE a très souvent été assimilé à tort, par le FMI, à une subvention que l’Etat accorde à la SONARA. En réalité, l’AE ici est un ajustement de prix, c’est-à-dire un ensemble de dispositifs qui, intégrant une dimension temporelle ou autre, permettent de corriger un prix initial. Dans le cas de la SONARA, les prix sortis raffinerie ne sont pas déterminés à partir des prix de revient réels, mais à partir des Prix Parité Import (PPI) comme l’a exigé le FMI. Les PPI sont en réalité fondés sur les prix de revient des grandes raffineries occidentales, toutes complexes avec une capacité de traitement d’au moins 10 millions de TM, dégageant ainsi des frais fixes unitaires très bas. Il fallait par conséquent les corriger afin de les appliquer dans une raffinerie de type Toping Reforming comme la SONARA. Cette dernière est dorénavant comparée, avec ces PPI, à un importateur de produits pétroliers raffinés qui voudrait réaliser de « bonnes affaires » au Cameroun.
7.- Sous l’instigation du FMI, qui ne semblait pas comprendre la formule en vigueur comme nous le montrions, en mars 2007, dans nos commentaires et observations sur le rapport du FMI de mars 2006, relatif à l’examen de la politique fiscale (hors pétrole) du Cameroun, une nouvelle formule est entrée en vigueur en avril 2008 et a été appliquée jusqu’en 2011. Elle se présente comme suit : P = Prix Parité Import x (1 + Coefficient d’Ajustement) x parité USD/FCFA. Avec cette nouvelle formule, le résultat n’est plus fixé d’avance ; il découle de la conjoncture pétrolière internationale et de la gestion de la raffinerie. Par ailleurs, le Prix CIF NWE est désormais dit prix de référence. Il exclut l’ensemble des primes (prime d’achat, prime de qualité, marge trader) pour des besoins de simplification. L’ensemble des charges est regroupé, avec de nouvelles rubriques, sous l’expression frais d’approche. Ils comprennent le fret, le dead freight, les pertes au transport, les coûts d’assurance, les surestaries, les frais de passage à Limbé. Leur détermination est également précisée (cf notre ouvrage intitulé Prix et fiscalité des produits pétroliers au Cameroun, paru aux Editions Universitaires Européennes en 2011). Le PPI est ainsi dorénavant égal à Prix de référence + Frais d’approche. La CG a cessé d’exister dans cette nouvelle formule.
8.- Le Coefficient d’Ajustement (CA), dans le cas d’espèce, couvre les handicaps liés à l’environnement fiscalo-douanier, à la capacité et à la complexité de l’outil de production. Le CA ne devait être révisé qu’après la réalisation de la phase 2 du projet d’extension et de modernisation de la raffinerie.Mais en réalité, le CA représente généralement la marge industrielle (ou commerciale) accordée aux opérateurs, et ne devrait par conséquent pas être une valeur absolue.Il était fixé à 15 % avant d’être ramené à 12% en janvier 2012, puis à 10 % depuis juillet 2014sous l’instigation du FMI.
9.- Les prix de l’essence sont restés fixes jusqu’au 1er juillet 2014, date à laquelle, sur les conseils du FMI, les prix du gazole et de l’essence ont été relevés de 15 %.La hausse de prix a été accompagnée d’un abaissement des taxes et des droits dans la chaîne de distribution ainsi que d’autres mesures de compensation, notamment une forte réduction de la taxe sur les produits pétroliers (TSPP) pour limiter l’augmentation du coût des transports… La hausse des prix a également été accompagnée, au niveau de la SONARA, d’un abaissement du CA (supra, n° 8), d’une réduction des frais de cabotage de 2,5 FCFA par litre tous produits confondus, et d’une suppression du deadfreight (infra, n° 27). Ces paramètres n’étant pas des subventions comme l’a pensé le FMI, leur modification s’est répercuté sur l’activité de la SONARA qui se trouve, en définitive, être le porteur de la stabilisation des prix. L’impact de ces mesures se présente comme suit dans le tableau n°1 ci-dessous.
Tableau n° 1 : IMPACT DE LA MODIFICATION DES PARAMETRES SUR LE CHIFFRE D’AFFAIRES, LA MARGE BRUTE ET LE RESULTAT (EN MFCFA)
Le Groupe de Travail (GT) chargé de l’élaboration du plan de restructuration de la SONARA avait considéré que tous les paramètres touchés par les mesures de 2012 et 2014 allaient être rétablis en 2016. Au moment de l’élaboration de son budget (BU) pour l’exercice 2016, la SONARA avait considéré que seul le deadfreight et le CA allaient être rétablis entièrement, les frais de cabotage n’étant récupérés que partiellement. Au 30 septembre 2016 (09/2016), la situation provisoire (non certifiée) est toute autre, comme on le voit.
10.- L’État occupe une place importante dans le raffinage et la distribution des hydrocarbures. Ce rôle est fixé par le Code pétrolier. La SONARA est détenue à 80 % par l’État et importe du pétrole brut léger de la région pour répondre à l’essentiel de la demande de produits pétroliers du pays. Le stockage est confié à la Société camerounaise des dépôts pétroliers (SCDP), détenue en majorité par l’État, qui fonctionne avec douze dépôts régionaux. La SCDP est le principal acheteur de la production de la SONARA, qu’elle vend à des distributeurs qui eux-mêmes approvisionnent les détaillants…. Il y a un amalgame certain dans l’utilisation de certains termes et la description du rôle des divers acteurs intervenants dans le secteur pétrolier aval. Il convient de rappeler que le Code Pétrolier de 1999, toujours en vigueur, traite du secteur pétrolier amont, celui de la recherche et de la production de pétrole brut. Au sens de ce code, par hydrocarbures il faut entendre « hydrocarbures liquides ou gazeux existant à l'état naturel, autrement dénommés pétrole brut ou gaz naturel selon le cas, ainsi que tous les produits et substances connexes extraits en association avec lesdits Hydrocarbures ». Si l’on s’en tient au contexte dans lequel le terme « hydrocarbures » est utilisé ici, on comprend qu’il s’agit plutôt des produits pétroliers raffinés. Le Code Pétrolier n’a abordé le raffinage, le stockage et la distribution des produits pétroliers que dans son article 123, pour préciser que les conditions d’exercice de ces activités sont fixées par voie réglementaire. En ce qui concerne la SCDP, son rôle est d’assurer le stockage des produits finis et la gestion des principaux dépôts existants qui sont utilisés par les Marketers moyennant paiement d’un droit ou redevance de « passage ». Elle n’achète aucunement les produits pétroliers à la SONARA et n’en revend pas non plus aux Marketers. Ces derniers s’approvisionnent auprès de la SONARA, mais entreposent leurs achats à la SCDP en attendant leur livraison dans les stations-services (qui leur appartiennent généralement) pour la vente de détail, ou tout autre point de vente agrée (v. l’ouvrage Prix et fiscalité des produits pétroliers au Cameroun, précité). On ne saurait ainsi parler de la SCDP comme principal acheteur de la production de la SONARA
B - LA STRUCTURE ACTUELLE DES PRIX ADMINISTRES
11.- La structure des prix intérieurs fait chaque mois l’objet d’une revue formelle par la CSPH, et est ensuite confirmée par le Premier Ministre. Elle s’appuie sur un «prix de parité à l’importation» (PPI), qui est calculé à partir d’un prix de référence fondé sur les cotations du marché, ajustées des coûts de transport. Les taxes et droits compris dans la structure de prix sont ajoutés au PPI pour arriver à un «prix du marché libre» indicatif. La baisse du PPI, conjuguée à la réduction de la TSPP et à la hausse des prix fixes en juillet 2014, a abouti à la suppression de la subvention aux carburants en 2015. Il convient de noter toutefois que, en l’absence d’une réduction sensible de la TSPP pour l’essence super, la subvention aurait été maintenue. Les marges de transport et de distribution ont aussi été ajustées à la baisse, ce qui traduit une révision des marges appropriées pour le secteur… la suppression de la subvention aux carburants en 2015 n’est pas seulement due à la conjugaison des facteurs ci-dessus repris. Une partie de cette subvention est désormais supportée par la SONARA, comme nous le montrons supra, n° 8, 9 et tableau n° 1. Rien n’est entrevu pour revoir ces paramètres. Cependant en ce qui concerne la TSPP, sur recommandation du FMI sans doute, le projet de Loi de Finances pour l’exercice 2017 la rétabli à son niveau antérieur à juillet 2014.
12.- Le coefficient d’ajustement de la SONARA constitue une subvention de facto au producteur. Le coefficient d’ajustement est inclus dans la structure des prix et calculé en pourcentage du prix de référence. L’inclusion de cet élément dans la structure des prix a pour but de compenser le désavantage concurrentiel auquel se heurte la SONARA en raison du caractère limité de ses capacités de raffinage. Les projets en cours d’expansion de la SONARA visent à accroître les volumes de production et à réduire les coûts, ce qui pourrait conduire à terme à la suppression du coefficient d’ajustement. Celui-ci a été ramené de 12 % à 10 % en juillet 2014, mais comme il est calculé ad valorem, il amplifie la volatilité du prix du marché libre indicatif… Comme présenté plus haut (v. supra, n° 5, 6 et 7), c’est à tort que le FMI qualifie le CA de subvention au producteur. En français, subvention signifie « Aide financière versée par l'État ou une personne publique à une personne privée, physique ou morale, dans le but de favoriser l'activité d'intérêt général à laquelle elle se livre ». Or le CA, dans tous ses sens (v. supra, n° 8), est un élément du prix de vente des produits pétroliers raffinés que paient les consommateurs, et non l’Etat. On ne saurait parler de subvention sur une dépense que le consommateur paie au producteur. Par ailleurs, le raffinage et la vente des produits pétroliers ne sauraient être assimilés à une activité d'intérêt général. Enfin, on ne saurait demander à un opérateur économique de vendre en dessous de son prix de revient, comme le FMI l’impose aujourd’hui à la SONARA. Nous verrons plus loin qu’il existe un CA même chez les Marketers,sous des appellations différentes, qui ne choque personne et dont le niveau, ramené en valeur relative, est supérieur aux taux remis en cause à la SONARA (v. infra n° 26, Tableau n° 4). Un CA en valeur relative devrait mieux s’adapter à la conjoncture qu’un CA en valeur absolue. Il est arrivé que les prix des produits pétroliers à la pompe contiennent une subvention, mais celle-ci est différente du CA. Elle découle du blocage des prix à la pompe en période de forte montée des cours du pétrole brut. On parle alors de subvention au consommateur, couramment appelée « manque à gagner » (v. infra, n° 14 et 15).
13.- Les importations de produits pétroliers raffinés sont aussi soumises au régime des prix administrés. Les importateurs qui vendent sur le marché camerounais reçoivent aussi une compensation pour l’écart entre leur coût d’achat et le prix de détail réglementé. Cela alourdit encore la charge que constitue le système de subventions pour les finances publiques. Selon les estimations des services du FMI, les produits raffinés importés directement, y compris le gazole et l’essence, coûtent environ 80 francs CFA de plus que les mêmes produits raffinés dans le pays. Cet écart s’explique notamment par les faibles quantités importées et l’imprévisibilité de l’octroi des licences d’importation… Il est de notoriété publique que les produits raffinés importés directement, y compris le gazole et l’essence, coûtent plus chers que les mêmes produits raffinés dans le pays. Cela se vérifie même lorsque les importations sont faites par la SONARA. Contrairement aux affirmations du rapport, cet écart ne s’explique pas par les faibles quantités importées et l’imprévisibilité de l’octroi des licences d’importation. Cet écart a deux explications toutes simples : la première vient de ce que le prix sorti SONARA qui sert de base de comparaison est amputé d’un certain nombre de ses paramètres, comme nous l’avons montré supra, n° 8 et 9. La deuxième explication est qu’après avoir défini correctement leurs coûts à l’importation (leur PPI), les importateurs y ajoutent leur marge commerciale, différente des marges que leur réserve la structure des prix de détail homologués.  
14.- Pendant le second semestre de 2014 et au début de 2015, la réduction des prix du marché indicatifs a entraîné une diminution de l’écart par rapport aux prix de détail fixesCela a renforcé le processus qui s’était enclenché au milieu de 2014 avec une révision à la hausse des prix réglementés du gazole et de l’essence. Les écarts de prix se sont nettement réduits, ce qui a entraîné la disparition des subventions et l’apparition d’un petit «excédent d’exploitation» à la SONARA… Il est important ici de réexpliquer les modalités de détermination de l’écart entre les prix dits réels et les prix homologués des produits pétroliers. Pour avoir le prix dit réel des produits pétroliers, il faut commencer par déterminer un prix tronqué sorti SONARA comme nous l’avons vu supra, n° 7, 8 et 9. A ce prix tronqué s’ajoutent les impôts liés au raffinage, les frais de passage dépôt et les impôts y afférents, les divers frais de gestion des Marketers, les impôts y afférents, leurs marge et bénéfice. Le total ainsi obtenu donne le prix dit réel calculé. Ce prix dit réel calculé est comparé au prix public que le gouvernement entend homologuer. L’écart entre ces deux prix, lorsqu’il est positif comme cela a été le cas jusqu’en mi-2015, représente la subvention que l’Etat accorde au consommateur, et qui est complètement différente du CA (v. supra, n° 8 et 12). Cependant, l’Etat ne peut pas toucher chaque consommateur individuellement pour lui faire bénéficier de sa subvention sur les produits pétroliers achetés. Il devrait transiter par la CSPH chargée de la stabilisation des prix, par ailleurs initiatrice du mécanisme, pour y parvenir. Mais compte tenu de la faiblesse des moyens dont elle disposait, la CSPH avait souhaité que cette subvention transite par la SONARA (v. l’ouvrage Prix et fiscalité des produits pétroliers au Cameroun, précité).
15.- C’est ainsi que cette subvention vient amputer le prix tronqué sorti SONARA, et y prend l’appellation de manque à gagner (MAG). Le MAG est traité comptablement comme une vente à crédit à l’Etat ; le terme du paiement n’étant pas prévu, le paiement peut intervenir plusieurs années après. Depuis mi-2015, l’écart entre le prix dit réel calculé et le prix public que le gouvernement entend homologuer est plutôt négatif, compte tenu surtout de la baisse des cours du pétrole brut. Il aboutit alors à un « trop perçu » de trésorerie. Il est traité comptablement comme une avance de l’Etat à la SONARA, via les paiements des consommateurs. L’avance ainsi constatée vient apurer le compte du client Etat constitué du manque à gagner antérieur à due concurrence. Ce sont de simples opérations de bilan. On ne saurait alors parler ici d’un quelconque « excédent d’exploitation », comme cela est mentionné dans le rapport. En effet, cette assertion renvoie au compte de résultat et suppose un profit. Il n’en est rien comme nous le verrons ci-dessous infra, n° 18.
C - ASPECTS BUDGETAIRES DES SUBVENTIONS AUX CARBURANTS, (POUR MEMOIRE), R.A.S.
D -IMPACT DU REGIME DES PRIX ADMINISTRES SUR LA SONARA  
16.- Le niveau artificiellement bas des prix de détail a aussi engendré de grandes difficultés financières pour la SONARA. Le déficit d’exploitation résultant des ventes intérieures en dessous du prix coûtant a créé un manque à gagner systématique qui n’était couvert que partiellement par les subventions budgétaires. Le déficit résiduel était comblé au moyen de mesures compliquées d’annulation des dettes croisées avec l’État, de titrisations et d’une accumulation d’arriérés publics à l’égard de la raffinerie. L’évolution des prix depuis le milieu de 2014 a offert un certain répit à la SONARA en faisant disparaître temporairement le déficit pour l’essence et le gazole. En outre, cela a entraîné un léger «excédent d’exploitation» pour la SONARA. Si l’on peut se féliciter de cette évolution, elle ne reflète pas la véritable position comptable de la SONARA, qui continue de suspendre ses paiements d’impôts. Il est entendu que la SONARA maintient actuellement son excédent afin de compenser le non-paiement par l’État des sommes destinées à couvrir les déficits antérieurs… Comme on peut le constater après toutes les explications précédentes, le paragraphe commence avec des amalgames de termes et expressions criards. 
17.- Dans sa première phrase, le rapport fait sans doute allusion au manque à gagner résultant de l’écart entre le prix dit réel calculé et le prix public que le gouvernement entend homologuer (supra, n° 14 et 15). Ce manque à gagner devait être couvert par les subventions que l’Etat destine aux consommateurs (supra, n° 15), distinctes du CA. Le FMI a coutume de les appeler « subventions budgétaires ». Au niveau de la SONARA, il s’agit d’un apurement de compte client Etat, comme nous l’avons montré ci-dessus (supra, n° 15). Or les montants prévus au budget de l’Etat des exercices concernés étaient généralement inférieurs au niveau réel des manques à gagner. De plus, l’Etat éprouvait certaines difficultés pour décaisser même celles des sommes prévues dans son budget annuel. Ceci a entrainé d’importants arriérés de paiements à la SONARA et l’a placée dans une situation d’incapacité à honorer ses dettes à temps, dont celles fiscales. Pour ce dernier cas, il a alors été mis en place un système, pas compliqué du tout contrairement à l’affirmation du rapport, de compensation des dettes croisées entre l’Etat et la SONARA. Il s’agissait d’effacer semestriellement la dette fiscale de la SONARA avec une partie de sa créance sur manque à gagner ; cette créance était en effet toujours supérieure à la dette fiscale. Entre 2011 et 2013, le reliquat sur chacune des opérations de compensation a donné lieu à émission par l’Etat, au profit de la SONARA, de titres dématérialisés sur douze (12) ans. Le tableau n° 2 ci-dessous récapitule clairement l’ensemble de ces opérations.
Tableau n° 2 : ACCUMULATION ET TRAITEMENT DES IMPAYES SUR LES MAG (EN MFCFA)
18.- Dans la quatrième et cinquième phrase de ce paragraphe, le rapport mentionne un certain répit à la SONARA ayant entraîné un léger «excédent d’exploitation». Tel qu’on le voit ci-dessus, en matière de répit à la SONARA, cette affirmation n’a qu’un léger fondement sur le niveau de Manque à Gagner constaté annuellement. En ce qui concerne l’excédent d’exploitation, nous avons déjà montré que l’assertion est utilisée ici abusivement. On ne saurait en effet parler d’excédent d’exploitation pendant que les résultats de l’entreprise disent le contraire, tel que le montre le tableau n° 3 ci-dessous.
 Tableau n° 3 : DEGRADATION DU RESULTAT D’EXPLOITATION ET DES CAPITAUX PROPRES (EN MFCFA)
19.- La SONARA s’efforce de remédier à ses contraintes opérationnelles par son programme d’investissement, mais elle a beaucoup à faire pour assainir son bilan et réduire ses coûts. Les activités de raffinage de la SONARA ont récemment commencé à dégager un petit excédent, mais leur viabilité à moyen terme demeure incertaine….En outre, en l’absence de transferts budgétaires suffisants en temps voulu pour couvrir les déficits, la SONARA a contracté un emprunt consortial de 143,5 milliards de francs CFA en 2014 par l’intermédiaire de banques locales…. Tel que nous le montrons ci-dessus (supra, n° 18, tableau n° 3), les activités de raffinage de la SONARA ne dégagent pas encore d’excédent. Et ceci ne pourra pas être possible avant le rétablissement des paramètres modifiés ou supprimés dans le protocole d’établissement des prix (supra, n° 8 et 9), ou la réalisation de la phase 2 du projet d’extension et de modernisation de la raffinerie. Par ailleurs, en parlant de couverture des déficits par un emprunt consortial de 143.5 milliards FCFA, le rapport fait sans doute encore allusion au MAG. De surcroit, la SONARA ne peut pas s’endetter pour effacer sa créance sur l’Etat. C’est à l’Etat qu’il est revenu de le faire pour effacer sa dette vis-à-vis de la SONARA. Pour cela, l’Etat avait engagé BGFI Banque comme conseil financier en 2014. Après avoir obtenu un crédit relais de 143,5 milliards de FCFA, il a transféré la somme de 135,9 milliards de FCFA à la SONARA en février 2015, en apurement partiel de la créance de cette dernière sur manque à gagner.
E - L'AVENIR DES SUBVENTIONS AUX CARBURANTS (POUR MEMOIRE), R.A.S.
F - CONCLUSIONS ET LES POSSIBILITES DE REFORME 
20.- Maintenant que la nécessité de subventionner les produits pétroliers a disparu, le moment est propice pour supprimer le système de subventions. Au niveau actuel des cours internationaux du pétrole brut, cela ne nécessiterait aucun ajustement des prix de détail dans l’immédiat. Étant donné que cette réforme entraînerait à l’avenir une révision des prix à la hausse, elle pourrait être accompagnée de mesures visant à en atténuer les effets sur les ménages vulnérables.… Il convient d’avoir toujours présent à l’esprit la différence entre la subvention au consommateur liée au MAG (supra, n° 14 et 15) et le CA, qui n’est autre chose que la marge de l’industriel ou du commerçant (supra, n° 6, 7 et 8 ; infra, n° 26). Cela ne semble pas être le cas dans l’esprit de ce rapport. En ce qui concerne les MAG, ils ne relèvent d’aucun système. Leur problématique se pose en fonction de la conjoncture et de la politique gouvernementale relative aux prix des produits pétroliers à la pompe. Il faut tout simplement éviter de transférer cette charge à la SONARA. 
21.- Les autorités devraient envisager d’accroître l’apport fiscal du secteur afin de rehausser sa contribution budgétaire nette. La politique fiscale devrait tenir compte de façon explicite de l’effet sur les niveaux des taxes d’un mécanisme révisé de fixation des prix… Le bas niveau actuel des prix offre l’occasion de remonter la TSPP à son niveau d’avant 2014 en envisageant de l’indexer par la suite…. Le projet de Loi de Finances de l’exercice 2017 a déjà intégré ce souci, comme souligné plus haut (supra, n° 11). 
22.- Les réformes du secteur pétrolier devraient englober la restructuration financière de la SONARA. Pendant que la SONARA met en œuvre son projet d’expansion pour améliorer ses capacités de raffinage et l’aspect technique de ses activités, l’une des grandes priorités doit être d’assainir son bilan et de faire en sorte qu’il repose durablement sur des bases stables. Un audit financier et technique serait un bon point de départ pour pouvoir procéder avec toutes les informations utiles. L’un des avantages importants d’un système de prix qui reflète intégralement les prix du marché réside dans le fait qu’il éliminerait, ou réduirait sensiblement, le déficit d’exploitation systémique qui a engendré un manque à gagner pour la SONARA. Cela réduirait à son tour le besoin de recourir à des financements-relais, de procéder à des annulations croisées de déficits en échange d’obligations fiscales, et de payer les primes facturées par les fournisseurs pour les livraisons de pétrole brut à la raffinerie…Nous replongeons encore ici dans l’amalgame des termes et assertions. Nous nous sommes déjà largement étendus sur les prix des produits pétroliers, les excédents et déficits d’exploitation, le crédit relais, la compensation des dettes croisées… Nous n’y reviendrons plus. Nous relèverons simplement que l’idéal serait que les prix des produits pétroliers partent des prix de revient réels disponibles mensuellement depuis 2007, et pas seulement des PPI. En ce sens, nous partageons l’idée qu’un audit financier et technique serait un bon point de départ pour pouvoir procéder avec toutes les informations utiles.Cet audit est déjà en cours. 
23.- A moyen terme, la libéralisation des importations en faveur d’un marché intérieur libre encouragerait la concurrence par les prix, ce qui profiterait aux consommateurs. Cela impliquerait de mettre fin au programme annuel de gestion des importations pour permettre aux opérateurs privés de se procurer directement des importations, en fonction de la demande du marché… Il nous semble que le rapport va trop vite en besogne, à moins de disposer déjà des conclusions de l’audit en cours. Cette prise de position semble en effet en contradiction avec les orientations données ci-dessus (supra, n° 22). A notre sens, on ne saurait parler d’importations qu’en face d’une incapacité technique, logistique ou financière de la raffinerie pour couvrir les besoins du marché national. Cela ne semble pas être le cas si tous les problèmes relevés sont résolus. On devrait au moins attendre le rapport d’audit pour se faire une première idée.
II - SUR LE REMPLACEMENT DE L’AE ET DU DEADFREIGHT PAR UNE MARGE INDUSTRIELLE EN VALEUR ABSOLUE, ENVISAGE PAR LE FMI
A - L’AJUSTEMENT ECONOMIQUE (AE)  
24.- Nous avons déjà fait les développements nécessaires sur l’AE (supra, n° 5 et 6). Nous n’y reviendrons pas. Simplement, nous retiendrons que depuis avril 2008 et sous l’instigation du FMI, l’AE a été retiré de la formule des prix des produits pétroliers. Toutes ses composantes sont ainsi devenues caduques, même si certaines étaient justifiées. L’AE a été remplacé par le Coefficient d’Ajustement (CA) depuis cette même date. 
B - LE COEFFICIENT D’AJUSTEMENT (CA)
25.- Le CA, que nous avons longuement analysé également, était fixé à 15 % avant d’être ramené à 12% en janvier 2012, puis à 10 % depuis juillet 2014, sous l’instigation du FMILe CA ne devait être révisé qu’après la réalisation de la phase 2 du projet d’extension et de modernisation de la raffinerie. Le CA est généralement donné en valeur relative. Il peut arriver qu’il soit communiqué en valeur absolue. Cela nécessite alors qu’au préalable la structure des coûts soit bien éclatée par stade, et ramenée à l’unité. Or lorsqu’on observe la structure des prix des produits pétroliers homologuées au détail, on remarque que le coût du raffinage y est confiné dans la rubrique soi-disant du prix sorti SONARA, autrement dit prix du produit (hors CA), qui est en réalité un prix tronqué comme nous l’avons montré supra, n° 7, 8, 9 et 14. Seul le CA y figure distinctement. Pourtant, depuis 2007, la SONARA a diffusé ses prix de revient par produit mensuellement.  
26.- Par contre en ce qui concerne les Marketers, leurs différents postes de coûts apparaissent clairement : frais généraux, frais financiers, coulage, amortissement et entretien, livraison ville… Apparaissent également leur bénéfice et leur marge revendeur. Le regroupement de l’ensemble de ces éléments donne le CA (ou Marge) des Marketers en valeur absolue. Il constitue la différence entre le prix sortie dépôt SCDP, qui est le véritable coût d’achat pour les Marketers, et le prix de vente homologué hors taxes. On peut ensuite rapprocher ce CA et ce prix sortie dépôt SCDP, pour obtenir le CA des Marketers en valeur relative. En procédant de la sorte, on obtient, pour les Marketers, les CA suivants en mars 2010 et en novembre 2016, par produit libéralisé :
Tableau n° 4 : DETERMINATION DU CA DES MARKETERS PAR PRODUIT ET PAR PERIODE, EN FCFA/L DE PRODUIT ET EN %
C - LE DEAD FREIGHT
27.- L’introduction de cette notion découle également de l’application des PPI, qui place la raffinerie dans une situation d’importateur. Selon le lexique des termes maritimes, le Deadfreight ou faut fret est l’indemnisation de l’armateur par un chargeur qui a retenu la place mais n’a pas remis la marchandise. Dans le cas d’espèces, il intègre le retour à vide des navires venus prester pour la SONARA. Son coût est donné par des revues de référence tels le Platt’s. Le Deadfreight est un élément réel du prix de revient des produits pétroliers, qui a été supprimé à tort depuis janvier 2012. Il est évalué à 10 USD/TM.
D - LA MARGE INDUSTRIELLE EN VALEUR ABSOLUE
28.- La marge industrielle est un indicateur qui permet de mesurer si l’activité d’une entreprise peut dégager un bénéfice ou pas. De cette notion de marge industrielle découle ensuite le taux de marge. Le taux de marge est supérieur au taux de profit, puisqu’il faut pour ce dernier retrancher les frais financiers sur les emprunts, les provisions, l’impôt sur les sociétés… Il est généralement un pourcentage des ventes soit globalement, soit unitairement, mais avec un Seuil de Rentabilité. Comme précisé à plusieurs niveau, la marge industrielle devrait être donnée en pourcentage du coût d’achat, couvrir les frais généraux, les frais financiers sur les emprunts, les provisions, l’impôt sur les sociétés et permettre le rattrapage « des effets négatifs du passé » dans un délai à préciser.
29.- Si d’aventure cette marge devait être donnée en valeur absolue comme on peut le voir dans les structures de prix des produits pétroliers à la pompe diffusés par la Caisse de Stabilisation des Prix des Hydrocarbures (CSPH) en ce qui concerne les Marketers, la méthode utilisée pour y parvenir devrait être étendue à la SONARA. L’on devrait ainsi partir des coûts globaux réels ramenés à la tonne ou au litre, pour avoir les coûts unitaires par stade, avant de fixer un niveau de rattrapage « des effets négatifs du passé » et de bénéfice unitaire. Ceci ne pose pas de problème majeur du moment où les prix de revient par produit sont disponibles. En dehors de cette démarche, il s'ensuivra une nouvelle catastrophe financière pour la raffinerie, qui hypothèquera fortement l'objectif d’émergence en 2035.
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