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Lapiro savait qu’il allait mourir... Mbanga reclame sa dépouille ! par Adeline TCHOUAKAK

Cette revendication fait suite à l’annonce de son inhumation le 28 mars 2014 à Buffalo dans l’Etat de New-Youk aux Etats-Unis. Meurtrie, la ville qui était chère à cet ancien prisonnier, porte le deuil.
Mardi 18 mars 2014. Nous sommes à Mbanga, dans le département du Moungo, région du Littoral. Il est environ 10 heures. La gare routière, habituellement bouillante, est d’un calme déconcertant. Ici, on n’entend que le bruit des voitures et motos qui défilent. Et quelques voix qui aguichent les clients. Sur la route qui mène au domicile de Lambo Sandjo Pierre Roger alias Lapiro de Mbanga (décédé le 16 mars 2014 à Buffalo à New-york), quelques échoppes et disqueries poussent à fond les tubes à succès de l’artiste. A la seule station service de cette ville rurale, Chare Kpoumie Salifou, pompiste laisse entendre que «depuis dimanche, nous ne jouons que Lapiro mais nous varions depuis ce matin parce que ça attriste les consommateurs.

Certains pleurent même et ce n’est pas bien pour le travail». Au domicile du défunt au quartier 12, la famille tout comme les visiteurs n’ont pas séché leurs larmes. Les portes sont grandement ouvertes. Les photos de Ndingaman sont disposées partout. Sur scène, avec les autorités administratives, en prison etc. Toutes les phases de sa vie sont représentées en images. Les fans qui se succèdent, les regardent en manifestant de la compassion et du regret pour cette retentissante voix des sans voix partie à l’âge de 57 ans seulement. Idem, pour ses nombreux prix exposés à l’entrée du salon. Certaines personnes sont rassemblées au niveau du boukarou autour de la famille. Ils regardent un hommage (signé de Jean Jacques Ze) à la chaine de télévision Canal 2 International. Difficile de croire que la grande gueule qu’on voit se mouvoir et dénoncer les injustices dont il est victime au même titre que la jeunesse camerounaise, est réduite au silence, à jamais.

Encore des pleurs. Sa fille Stéphanie, est inconsolable. Elle est affalée au salon, une serviette autour de la taille. Elle ne pleure pas seulement du décès de son père, mais de peur de ne plus le revoir, même inerte. Sa tante essaie de la consoler en la rassurant : «Depuis hier, tu ne veux pas te calmer. Tu vas finir par tomber malade. La famille se réunit aujourd’hui en France pour voir dans quelle mesure on va aller supplier qu’on nous remette le corps. Au lieu de pleurer, prie Dieu pour que les choses se passent bien». Le fils ainé de Lapiro, Antoine Bohnyake n’arrive pas non plus à placer un mot et promet de répondre à toutes les questions quand il sera plus lucide.
Double deuil
Pour la famille, c’est en prison que l’artiste a chopé cette maladie qui l’a emporté. Dans les prisons de Mbanga et Nkongsamba, il n’avait que le simple paludisme, explique sa tante, Ngomsi née Etonde Mouelle Véronique. Tout s’est empiré selon elle, dès qu’il a rejoint la prison de New-Bell à Douala. Quand il est sorti en avril 2011, il avait mal à la plante des pieds. Il lui «arrivait même de marcher sans chaussures pour être à l’aise». Et le mal s’est prolongé aux articulations jusqu’à ce qu’on dépiste ce cancer. Mais depuis qu’il est parti pour les Etats-Unis, poursuit-elle, tout allait bien jusqu’à ce que sa femme nous fasse savoir qu’il ne mange plus, ne boit plus et ne marche plus. «Nous savions que ça va passer parce qu’il avait été traumatisé par le décès de son frère en décembre 2013. C’est ici chez lui que nous avons fait le deuil et il ne cessait de dire, comme il a décidé de partir avant moi, il n’y a pas de problème. C’est le dimanche où on a finit avec les cérémonies de veuvage qu’on nous annonce juste après la collation qu’il est mort. Et notre grand-mère est aussitôt entrée dans le coma», explique sa sœur avant d’éclater en sanglots.
 
Un groupe de personnes vient d’entrer. Comme un chœur, il élève la voix pour pleurer encore «le père». Puis, place aux commentaires. Chacun raconte ses derniers contacts avec l’artiste, comment il a appris son décès et surtout comment les geôliers des prisons de Mbanga, Nkongsamba et Douala se sont enrichis pendant ses 3 années passées derrière les barreaux. D’aucuns font des rapprochements avec le décès d’Ateba Eyene. Ça va dans tous les sens. C’est la douleur qui guide les réactions.
 
«Lapiro savait qu’il allait mourir»
Si la mort du célèbre prisonnier de New-Bell a été une surprise pour plus d’un, ça l’a été moins pour ceux avec qui il a passé ses derniers moments quand il partait du Cameroun pour Buffalo à New-York. Pour Eitel Penda et Marcel Djeupa, tous habitants de Mbanga, «nous avons fait le tour de plusieurs night-clubs et cabarets de Douala. On a chanté, bu, dansé et ri». Mais une fois à l’aéroport, les données ont changé. Celui qui était joyeux toute la nuit est subitement devenu triste. Lapiro, confient-ils, a enlevé ses chaussures et s’est mis à marcher pieds-nus. A l’interrogation de ceux qui l’accompagnaient, il a répondu : «je prends contact pour la dernière fois avec la terre de mon cher et beau pays». Lapiro s’arrête un moment, écrase une larme et ajoute: «ceux qui m’ont aimé ou que j’ai aimés, je m’en vais avec eux dans mon cœur, quant à moi, vous ne me verrez plus jamais».
Coïncidence ou vérité ? Ses proches des dernières heures, ont pris ces paroles au sérieux parce que disent-ils, «il était un peu comme un prophète. Quand il disait quelque chose, elle s’accomplissait. Surtout que nous ne l’avions jamais vu pleurer». En plus dans le livre qu’il a écrit, il disait en hommage à Pius Njawé, «Camarade, n’oublie pas de me réserver une place là-bas dans le temple des combattants car, j’y arrive bientôt». Pour ces derniers, le père de «no make erreur» pleurait aussi parce qu’il avait souhaité mourir aux côtés des siens, mais il s’est senti à un moment donné rejeté et a fait le sacrifice de partir pour redonner un peu de paix à sa famille qui a souffert de son martyr.
 
Sa discographie (13 albums)
Persévérance (1973), Konmuswi, Konidjomba, No Money no love, No make erreur, Kop niè, Surface de réparation, Mimba wi, Contre-attaque (1994), Dembre man, My groove, Overdone, Constitution constipée (2008 année de son incarcération) et démissionnez (2011 après sa sortie de prison)

Ses récompenses (non exhaustif)
-Freedom to create prize (2009)
-Oxfan Novib/ pen award
-Prix de la fondation Afrique en création (1992)
-Prix du Comité de l’excellence africaine (2002)
-Canal 2’or (2009)
-Diplôme de l’excellence et du mérite de Canal 2 International (2010)
-Le prix des convictions RFI Musique Cameroun
Adeline TCHOUAKAK
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